ORDONNANCE ROYALE DU 6 MAI 1818
ORDONNANCE DU ROI
Portant formation d'un Corps royal d'état-major, et d'une École d'application pour le service de l'état-major général de l'Armée.
Paris, le 6 mai 1818.
LOUIS, par la grâce de Dieu, ROI DE FRANCE ET DE NAVARRE,
Ayant reconnu qu'il importe essentiellement au bien de notre service d'assurer la bonne composition et l'instruction spéciale des officiers destinés à remplir les fonctions de chef d'état-major, aides-majors généraux, officiers dits d'état-major et aides-de-camp ;
Voulant aussi concilier l'organisation de cette partie importante de notre armée avec l'économie bien entendue qui doit présider à toutes les institutions réclamées par l'intérêt de l'État ;
Nous avons ordonné et nous ordonnons ce qui suit :
TITRE I - DISPOSITIONS GÉNÉRALES.
ART. 1er. Les officiers d'état-major, soit qu'ils se trouvent employés aux états-majors des armées, gouvernements ou divisions militaires, soit qu'ils remplissent des fonctions d'aides de camp près des officiers généraux, formeront un seul corps, sous la dénomination de Corps royal d'État-Major.
2. A l'avenir, le nombre des officiers d'état-major aides de camp ne sera point proportionné à celui des généraux, mais analogue aux besoins ordinaires et éventuels du service de paix et de guerre.
3. Le nombre et les grades des officiers d'état-major seront déterminés ainsi qu'il suit :
30 Colonels,
30 Lieutenants-colonels,
90 Chefs de bataillon,
270 Capitaines,
125 Lieutenants.
formant un total de 545 officiers pour le service des états-majors, sur le pied de paix.
Ce nombre pourra se porter, suivant que les circonstances l'exigeraient, au complet de guerre de six cent quarante officiers, par l'appel à l'état-major de l'armée des lieutenants aides-majors dont il sera question ci- après.
4. Pour subvenir aux besoins du service et au maintien du complet de paix ou de guerre déterminé ci-dessus, il sera établi une école d'application pour les officiers destinés au service d'état-major, et dont l'organisation sera fixée au titre V de la présente ordonnance.
5. Après la première formation, et hors les cas qui seront spécifiés au titre des dispositions transitoires, les officiers du corps royal d'état-major devront avoir suivi les études et exercices de nos écoles royales militaires d'application, et joindre aux connaissances élémentaires qui y sont enseignées les autres parties d'instruction militaire nécessaires pour le service d'état-major :: à cet effet, en sortant desdites écoles, ils passeront, en qualité d'aides-majors, dans les corps de cavalerie et d'infanterie, ainsi qu'il sera déterminé ci-après.
TITRE II - AIDES -MAJORS.
6. Les élèves du corps royal d'état-major, après deux ans d'exercice comme sous-lieutenants à l'école d'application, et ayant satisfait aux examens déterminés, seront envoyés avec le même grade, en qualité d'aides-majors, dans les régiments de cavalerie.
7. Après deux années d'emploi comme aides-majors de cavalerie, et ayant alors quatre ans de grade de sous-lieutenant, ces mêmes officiers seront nommés lieutenants et envoyés comme aides-majors dans les corps d'infanterie.
8. Les officiers placés, ainsi qu'il est dit aux articles précédents, comme aides-majors de cavalerie et d'infanterie, seront en dehors des cadres, et ne concourront point à l'avancement de ces corps, ils y seront employés, sous les ordres des colonels ou chefs d'escadron et de bataillon, dans les détails du service attribués aux adjudants-majors, et ainsi qu'il pourra être ordonné par le commandant du corps.
9. Nos inspecteurs généraux d'infanterie et de cavalerie feront subir aux aides-majors, dans le cours de leurs inspections, des examens de théorie et d'application de la théorie aux manœuvres, et rendront compte de leur instruction à notre ministre de la guerre.
10. Il ne sera point accordé de congé de semestre aux aides-majors avant l'expiration des quatre années de service et d'instruction obligée en cette qualité dans les corps de cavalerie et d'infanterie.
11. Le nombre des lieutenants aides-majors sera de cent. Ces officiers, après deux ans d'exercice de leurs fonctions dans les corps d'infanterie, seront disponibles pour les emplois vacants dans l'état-major : ils continueront, en attendant, leur service dans les corps ; mais ils prendront rang, pour l'avancement, avec les lieutenants d'état-major.
Les plus anciens seront envoyés comme aides-majors dans les corps de troupes du génie et de l'artillerie, pour y compléter leur instruction relative à ces armes.
12. Le nombre des sous-lieutenants élèves et aides-majors de cavalerie sera toujours réglé de manière à pourvoir aux remplacements devenus nécessaires par le passage des aides-majors d'infanterie à l'état-major de l'armée, suivant les besoins de paix et de guerre.
TITRE III - OFFICIERS D'ÉTAT-MAJOR.
13. Les lieutenants d'état-major seront pris parmi les officiers qui, ayant accompli deux années d'emploi comme aides-majors dans un corps d'infanterie, se trouveront disponibles, selon ce qui est déterminé par l'art. 11.
14. L'avancement des officiers d'état-major sera déterminé par notre ordonnance générale sur l'avancement dans l'armée.
15. Les colonels d'état-major seront chargés des détails du service, comme chefs d'états-majors divisionnaires, ou sous-chefs d'états-majors généraux.
Ils pourront être employés dans les fonctions de premiers aides de camp des maréchaux de France et des généraux commandant en chef des corps d'armée.
Ils seront suppléés, suivant les besoins du service, par les lieutenants-colonels et officiers supérieurs.
16. Notre ministre de la guerre assigne aux officiers d'état-major la destination que le bien du service exige, soit aux armées, soit dans les gouvernements ou commandements des divisions militaires.
17. L'état-major de chaque division militaire, en temps de paix, pourra se composer d'un colonel ou lieutenant-colonel chef d'état-major divisionnaire, d'un chef de bataillon, de deux capitaines et de deux lieutenants
En temps de guerre, notre ministre de la guerre retirera des divisions militaires les officiers d'état-major qui seraient nécessaires aux armées.
18.Lorsque, par suite de cessation de l'état de guerre, ou toute autre cause, l'officier d'état-major se trouvera hors d'activité actuelle, soit aux états-majors d'armée, soit comme aide de camp, il est à la disposition du ministre de la guerre, sans cesser de faire partie de l'état-major du général et d'y conserver son avancement.
19. Notre ministre de la guerre affecte spécialement au dépôt de ce département le nombre d'officiers d'état-major disponibles qu'il juge convenable pour le bien de notre service.
20. A défaut d'officiers d'état-major, et lorsque les circonstances extraordinaires l'exigeront, les généraux d'armée ou commandants en chef de nos forces militaires, hors du royaume, pourront employer dans le service d'officiers d'état-major, ou d'aides de camp, des officiers de troupe sous leurs ordres. Ces officiers ne pourront, en aucun cas, être considérés comme faisant partie du corps royal d'état-major : ils continueront à compter et à avoir leur avancement dans leurs corps ; ils n'y seront point remplacés, et devront y rentrer aussitôt que l'arrivée des officiers d'état-major aura pourvu au besoin du service.
Il sera rendu compte à notre ministre de la guerre de l'emploi provisoire des officiers de troupe à l'état-major, et de leur rentrée à leurs corps.
21. Les emplois de chefs d'état-major généraux et d'aides-majors généraux, dans nos armées ou dans l'intérieur du royaume, seront conférés à des officiers généraux du corps royal d'état-major.
En conséquence, et pour assurer cette partie du service, le nombre des officiers généraux du corps royal d'état-major qui y seront affectés sera de seize maréchaux de camp et huit lieutenants généraux : hors de ce service, et en temps de paix, ils seront à la disposition de notre ministre de la guerre, pour être employés suivant les besoins du service.
TITRE IV - AIDES DE CAMP.
22. Les aides de camp lieutenants seront pris parmi les officiers d'état-major disponibles, et, à leur défaut, parmi les aides-majors d'infanterie, conformément à ce qui est déterminé à l'art 11.
Les aides de camp capitaines, ou officiers supérieurs, seront pris parmi les officiers d'état-major disponibles et du grade analogue à l'emploi vacant.
Ces officiers recevront des lettres de service de notre ministre de la guerre, sur la demande des maréchaux de France et des officiers généraux, et d'après nos ordres, pour les colonels.
23.. Les officiers généraux, lorsqu'ils rempliront des fonctions particulières, autres que celles de leur grade dans l'armée, n'auront point d'aide tic camp, si ce n'est d'après nos ordres spéciaux, et lorsque le besoin du service l'exigera.
24. Les aides de camp des officiers généraux qui cessent d'être employés en activité de service rentrent à la disposition de notre ministre de la guerre.
25. Le nombre d'aides de camp attribués aux maréchaux de France et aux généraux employés sur le pied de guerre et en service actif aux armées sera,
Pour les maréchaux de France, de six officiers ; savoir :
Un colonel ou lieutenant-colonel,
Un chef de bataillon,
Deux capitaines,
Et deux lieutenants ;
Pour les lieutenants généraux, de trois officiers ; savoir :
Un chef de bataillon,
Un capitaine,
Et un lieutenant ;
Pour les maréchaux de camp, de deux officiers ; savoir :
Un capitaine,
Et un lieutenant.
26. Sur le pied de paix, le nombre des aides de camp sera,
Pour les maréchaux de France, de quatre officiers ; savoir :
Un colonel ou lieutenant-colonel,
Un chef de bataillon,
Et deux capitaines ;
Pour les lieutenants généraux, de deux officiers ; savoir :
Un capitaine,
Et un lieutenant ;
Pour les maréchaux de camp :
Un capitaine.
27. Les maréchaux de France qui n'auront pas de commandement, soit en temps de guerre, soit en temps de paix, pourront conserver deux aides de camp, l'un du grade de chef de bataillon, l'autre du grade de capitaine.
28. Les officiers généraux d'artillerie et du génie prendront leurs aides de camp dans leur arme. Ces officiers continueront à y compter, et y conserveront leur avancement, sans pouvoir participer à celui du corps royal d'état-major.
29. Dans le cas de guerre, à défaut d'officiers d'état- major disponibles, notre ministre de la guerre pourra autoriser, lorsqu'il sera nécessaire, pour suppléer au service d'aides de camp près des officiers généraux inspecteurs d'infanterie, de cavalerie ou de gendarmerie, pendant le cours de leur mission ou inspection, l'emploi d'officiers pris dans ces armes, et qui rentreront immédiatement après à leur poste.
30. Le nombre des officiers employés comme aides de camp près les princes de notre famille est fixé par nos ordonnances spéciales.
Ces officiers peuvent être pris dans toute l'armée, sans cesser de compter et de prendre leur avancement dans l'arme à laquelle ils appartiennent.
TITRE V - ÉCOLE D'APPLICATION D'ÉTAT-MAJOR.
31. L'école d'application, pour le service de l'état-major général de l'armée, sera établie près le dépôt de la guerre à Paris.
32. Les élèves de cette école seront choisis parmi ceux de l'école spéciale militaire qui auront satisfait à l'examen de sortie de cette école et reçu le brevet de sous-lieutenant ; ils devront remplir, en outre, les conditions exigées pour l'admission à l'école d'application, d'après le programme qui sera déterminé à cet effet et rendu public. Le nombre des admissions sera déterminé chaque année, d'après les besoins du service.
33. Les élèves de l'école d'application de l'état-major seront assimilés, pour la solde, le régime intérieur et la discipline, aux élèves de l'école d'application du génie et de l'artillerie, établie à Metz.
34. Les élèves sous-lieutenants de l'état-major de l'armée resteront deux ans à l'école d'application, et ils seront répartis en deux divisions.
35. L'école d'application sera commandée par un maréchal de camp d'état-major. Cet officier général aura sous ses ordres un lieutenant-colonel et un chef de bataillon, tant pour la police et la discipline des élèves, que pour leur instruction sur les exercices et manœuvres d'infanterie et de cavalerie.
36. Il sera établi à l'école d'application d'état-major des cours sur les connaissances ci-après déterminées ; savoir :
1° La géographie et la statistique, la topographie, le dessin, le levé de la carte et les reconnaissances militaires ;
2° Les éléments d’artillerie ;
3° La fortification passagère, l'attaque et la défense des places ;
4° L'art, l'histoire et l'administration militaires.
Ces cours seront faits par des officiers d'état-major d'artillerie, du génie et des géographes, et par un sous-intendant militaire, détachés de leurs corps respectifs à cet effet.
37. Notre ministre secrétaire d'État de la guerre arrêtera le programme d'admission, ainsi que ceux des cours et exercices de l'école d'application de l'état-major. Il fera également un règlement sur l'ordre et la série des travaux et sur tous les détails de l'administration de l'école, du service, de la police et de la discipline des élèves.
38. Chaque année, les élèves de l'école d'application de l'état-major de l'armée seront employés, pendant trois mois, avec ceux du corps des ingénieurs-géographes, et sous la direction des professeurs de ce dernier corps, à des levées de terrains et à des reconnaissances militaires.
39. Les élèves subiront un examen, à la fin de leur première année d'études, pour entrer dans la deuxième division, et en subiront un second sur toutes les parties de l'instruction enseignées à l'école, après avoir complété le cours de la deuxième division. Ceux de ces élèves qui auront satisfait à ce dernier examen seront envoyés comme aides-majors dans les corps de l'armée, pour y compléter leur instruction.
40. Les élèves qui n'auront pas satisfait à cet examen ne pourront faire partie des officiers de l'état-major : mais ils seront placés en qualité de sous-lieutenants dans les corps d'infanterie ou de cavalerie, et les deux années qu'ils auront passées à l'école leur seront comptées pour parvenir au grade de lieutenant.
TITRE VI. - DISPOSITIONS TRANSITOIRES.
41. Notre ministre de la guerre nous soumettra le tableau de première organisation du corps royal d'état-major.
Pourront y être placés :
1° Les officiers de l'état-major actuel et aides de camp, jusqu'au grade de capitaine inclus ;
2° Les officiers de toutes armes en activité ou disponibles, qui seront reconnus réunir les connaissances et l'aptitude nécessaires.
Les officiers du grade de lieutenant, pour être admis au tableau de première formation, devront satisfaire à un examen, dont le programme sera déterminé par notre ministre de la guerre : néanmoins, les officiers de ce grade faisant partie de l'état-major actuel comme aides de camp pourront continuer leur service jusqu'à l'époque qui sera fixée pour lesdits examens.
42. Pour pourvoir aux besoins du service et vacances d'emploi, jusqu'à ce que les officiers sortis de l’école d'application puissent y subvenir, les lieutenants et sous-lieutenants de toutes armes, qui auront une première connaissance des éléments de géométrie, du dessin et de la fortification de campagne, et qui désireraient être admis au corps royal d'état-major, pourront en faire la demande aux inspecteurs généraux d'armes, qui la transmettront à notre ministre de la guerre, avec des notes particulières sur ces officiers.
43. Après la clôture des revues d'inspection générale, notre ministre de la guerre ordonnera' la formation des conseils d'examen sur les divers points qu'il sera jugé convenable, et il enverra aux candidats l'autorisation nécessaire pour s'y présenter.
44. Les lieutenants qui auront satisfait aux examens et seront jugés réunir tes connaissances suffisantes pour être admis à l'état-major seront placés comme aides-majors d'infanterie, pour être appelé au service d'état-major, à mesure des vacances d'emploi.
45. Les sous-lieutenants ayant satisfait aux examens d'admission seront placés comme aides-majors dans les corps de cavalerie pour passer ensuite aides-majors d'infanterie, conformément, à l'art. 7 de notre ordonnance.
46. Conformément à ce qui est déterminé par l'article 21 de notre présente ordonnance, et pour la première formation, les officiers généraux d'état-major seront choisis, de préférence, parmi les officiers généraux sortis de l'ancien état-major, qui ont exercé les fonctions de chefs d'état-major des divisions ou corps d'armée, et parmi ceux qui, étant sortis des corps royaux d'artillerie et du génie, auraient été employés au commandement des troupes aux armées.
Le tableau nous en sera soumis par notre ministre de la guerre.
47. Notre ministre secrétaire d'État au département de la guerre est chargé de l'exécution de la présente ordonnance, qui sera insérée au Bulletin des lois.
Donné à Paris, en notre château des Tuileries, le 6 mai de l'an de grâce 1818, et de notre règne le vingt-troisième.
Signé LOUIS.
Par le Roi :
Le Ministre Secrétaire d'État au département de la guerre.
Signé Maréchal GOUVION SAINT-CYR.