Installation provisoire des Cours militaires spéciaux d’enseignement supérieur aux Invalides
Le 28 janvier 1876, le ministre de la Guerre décide la création des Cours militaires spéciaux d’enseignement supérieur et charge le général de Castelnau de rechercher un local pour l’installation de ces nouveaux cours qu’il veut ouvrir le 1er avril au plus tard. Il indique même que les Invalides renferment des salles assez spacieuses pour se prêter au nouvel enseignement.
Le général de Castelnau, en liaison avec le service du génie, étudie divers projets mais, comme le temps presse et qu’on ne peut songer à arrêter d’emblée une solution définitive, il propose de s’en tenir à une installation provisoire, quitte à poursuivre les études en vue de l’installation définitive.
La nouvelle école est donc morcelée en plusieurs tronçons :
- AU QUARTIER DE SENS, RUE DE GRENELLE (ancien hôtel de mademoiselle de Sens, aujourd’hui hôtel de Noirmoutier), où se trouve déjà l’école d’application d’état-major, qu'elle suppléait et allait remplacer, on installe la direction des études, les bureaux des comptables, la bibliothèque, l’infirmerie, la salle du conseil d‘administration, et les salles d’examens.
Le quartier de Sens, ou hôtel de Noirmoutiers, qui abritait l'Ecole d'application d'état-major.
- A L'HOTEL DES INVALIDES, on organise les amphithéâtres, les salles d’études, une petite bibliothèque, des vestiaires, quelques bureaux de professeurs et l’autographie.
- AUX ANCIENNES ECURIES DE L'EMPEREUR NAPOLEON III – actuel palais de l’Alma, on installe une centaine de chevaux avec les cavaliers qui les soignent.
La place se révélant insuffisante, tous les chevaux des officiers élèves de cavalerie et d’artillerie, soit une centaine environ, et les ordonnances de tous les officiers détachés, sont placés en subsistance dans les divers corps de la garnison.
Cette dispersion est cependant fort nuisible à la bonne exécution du service et peu digne de la première école militaire de France.
Études pour une installation définitive
Pour remédier à cette situation et instaurer quelque chose de durable, on étudie plusieurs possibilités :
LE 1er PROJET consiste à élever de nouveaux bâtiments sur les terrains du quartier de Sens mais l’emplacement est jugé d’une superficie insuffisante, surtout pour les chevaux.
LE 2e PROJET vise à l’achat de la lisière de la rue de Bourgogne pour agrandir le quartier de Sens, l’édification de bâtiments spacieux pour le service de l’École et l’organisation d’un quartier annexe, dans l’angle sud-est des Invalides pour loger une partie des chevaux et tous les ordonnances.
LES 3e et 4e PROJETS affectent à l’École supérieure de guerre la moitié orientale de l’hôtel des Invalides ; mais on trouve que les dispositions des constructions ne se prêtent pas à un aménagement convenable : les étages sont bas et les fenêtres petites ; enfin l’École ne serait pas chez elle et formerait une partie d'un grand tout avec des troupes, des magasins, et des invalides. Ces projets paraissent donc défectueux.
LE 5e PROJET installe l’École supérieure de guerre à l’École militaire. On lui donne le bâtiment central - ou château, et on doit construire sur les terrains militaires de l’avenue de Lowendal une annexe renfermant une caserne pour les cavaliers, ordonnances, deux manèges, des écuries, infirmerie vétérinaire, forge, etc. Mais on reproche à ce projet de ne pas laisser à l’École son autonomie : elle allait se trouver mêlée à d’autres troupes et séparée en deux fractions. Le dernier projet ne semble donc acceptable qu’à la condition d’affecter à l’École supérieure de guerre le château et la partie occidentale de l’École militaire comprenant alors le quartier d’artillerie. L’École et ses dépendances se trouveraient ainsi réunies. Les chevaux, les hommes de troupes et manèges occuperaient le quartier d’artillerie.
LE 6e PROJET consiste à construire à neuf l’École sur les terrains de l’avenue de Lowendal, mais la forme du terrain ne se prête pas à une bonne disposition. Le quartier est alors éloigné du centre de la capitale et peu convenable. Les officiers auraient du mal à se loger aux environs ; de plus, la dépense serait excessive.
LE 7e PROJET vise à l’installation de l’École aux écuries de l’Alma ; mais les bâtiments se prêtent mal aux appropriations nécessaires ; le terrain n’est pas suffisant. En outre les bâtiments appartiennent alors au ministère des Travaux publics qui pense en faire une annexe du palais de l’Élysée. Le projet est donc à rejeter.
On pense aussi placer l’École supérieure de guerre hors de Paris afin de faciliter l’exécution des exercices pratiques ; sont proposés successivement : Le château de Saint-Cloud, sa caserne et des dépendances, le Château de Rambouillet avec la caserne de cavalerie, le château de Compiègne, l’ancien quartier impérial du camp de Châlons et l’ancien dépôt de remonte de Saint-Maixent. Mais à l’examen de ces divers projets, on se heurte à des objections extrêmement sérieuses :
- Comment loger dans une petite ville plus de 200 officiers dont un tiers ou la moitié sont mariés.
- Difficulté de loger les candidats au moment des examens d’admission.
- Aucune ressource intellectuelle : Paris seul renferme tous les éléments de travail (chargés de conférences et professeurs militaires et civils) qui concourent, avec le mouvement des idées, au progrès de l’enseignement.
- Il n’est pas moins indispensable de placer des officiers qui travaillent énormément dans un milieu qui peut leur offrir des distractions et la détente nécessaire.
- Toutes les grandes écoles militaires et civiles sont alors à Paris
La question, en ce qui concerne l’installation de l’École supérieure de guerre à Paris est assez vite résolue ; il n’en est pas de même pour le choix parmi les nombreux projets d’installation dans la capitale. On élimine donc successivement ceux qui sont trop onéreux, ceux qui divisent l’École en plusieurs tronçons et on s’arrête finalement à deux projets :
CELUI DE l’ÉCOLE MILITAIRE, avec annexe sur l’avenue de Lowendal : c’est le projet du service du génie.
CELUI DU QUARTIER DE SENS, agrandi par l’acquisition des immeubles de la rue de Bourgogne : c’est le projet du général Lewal.
Installation de l'ESG à l’École militaire
Le projet admis définitivement est celui du génie, c’est-à-dire celui de l’École militaire, mais modifié, comme le demandait le général Lewal, par l’adjonction de nouveaux bâtiments, voisins du bâtiment central. Mais alors que le général désire les prendre dans le quartier d’artillerie, on lui donne dans celui de la cavalerie.
A partir de 1880, l’École supérieure de guerre occupe donc le pavillon central, dit « Château » et les bâtiments qui forment avec ce bâtiment central les cinq cours intérieures dénommées alors : cour d’Honneur au centre, cour Lepommier (rebaptisée Riberpray après la 1re Guerre mondiale) et Roederer d’un côté, cour Besnard (rebaptisée Coquelin de Lisle après la 1re Guerre mondiale) et cours Guercet de l’autre.
Facade sur la cour intérieure du chateau
En outre lui sont donnés tous les bâtiments qui se trouvent dans la cour Garnier, à l’exception de la partie du pavillon de la cavalerie qui comprend le mess des officiers de cavalerie, les bureaux des états-majors de la 7e division d’infanterie et des 13e et 14e brigades d’infanterie, le service des Invalides de la Marine et des logements d’officiers généraux.
Avec cette combinaison, le commandant de l’École supérieure de guerre peut avoir directement sous la main les locaux servant à l’instruction, les locaux administratifs et ceux servant au logement de certains officiers et de la troupe.
Seuls les trois manèges de l’École et une carrière pour la promenade des chevaux, sis quartier Fontenoy, se trouvent séparés de l’École par l’avenue de Lowendal.
LES LOCAUX D'INSTRUCTION comprennent :
- Les amphithéâtres : l’amphithéâtre de 1re année est rapidement baptisé amphithéâtre Maillard, en souvenir du professeur qui l’a illustré (il sera rebaptisé des Vallières après la 1re Guerre mondiale). Celui de 2e année sera baptisé amphithéâtre Louis après la 1re Guerre mondiale ; il est plus grand que celui de 1re année aussi les deux promotions peuvent au besoin y être réunies pour une conférence commune.
- Les salles d’études sont au nombre d’une par groupe dans chaque année ; chaque officier y dispose d’un pupitre et d’un siège. Ces salles servent pour les exercices sur la carte à simple action et pour les travaux en salle.
- Les salles d’examen sont utilisées pour les examens d’admission à l’École, pour les cours d’allemand, de russe et d’anglais, pour les interrogations sur la géographie, la mobilisation et les chemins de fer.
- Les salles de Kriegspiel comprennent trois grandes salles : une pour chacun des partis et une pour la direction. De très grandes tables permettent d’étaler les cartes qui servent à l’exercice. Les examens oraux de sortie ont lieu dans la salle réservée à la direction qui sert en même temps de salle d’honneur ; dès l’installation de l’École, les portraits des commandants de l’École supérieure de guerre y sont exposés.
- La bibliothèque est installée dans les anciens salons de réception localisés au rez-de-chaussée du « château ». La riche décoration intérieure n'a été en rien modifiée par cette utilisation. Le fonds comporte dès l’ouverture près de 40 000 livres, dont le plus ancien date de 1570. Consacrés pour l'essentiel à l'histoire de l'Europe et à l'art militaire à travers les âges, ils proviennent principalement de l'École d'état-major et de la bibliothèque de l'Hôtel royal des Invalides. Ce fonds s’enrichira d’une documentation systématique sur la guerre et l'art militaire depuis 1870 et des études réalisées par les stagiaires de l’École supérieure de guerre.
La bibliothèque dans les années 20.
- Les bureaux de la direction des études occupent le rez-de-chaussée du petit pavillon latéral de la cour Roederer et comprennent les bureaux du directeur des études, du sous-directeur, de l’adjoint, du major et des secrétaires. Là aussi se trouve la salle du conseil d’administration (future salle d’honneur) renfermant les portraits de tous les généraux qui ont commandé l’École. Les bureaux des professeurs sont répartis à proximité des salles d’étude.
- Les locaux de l’autographie comprennent une salle de copie pour les secrétaires, trois salles pour l’emmagasinement des cours, la salle des cartes.
- Les salles de la presse renferment une salle d’imprimerie, un magasin pour entreposer les papiers d’impression, les ingrédients et les zincs, un atelier de ponçage des pierres lithographiques.
- L’atelier des dessinateurs comprend deux salles de dessin et un magasin pour les cartes murales.
- L’atelier du photographe comprend l’atelier proprement dit, une chambre noire, une chambre à projection et un laboratoire.
- Les salles d'escrime.
La salle d'escrime dans les années 20.
LES LOCAUX SERVANT AU LOGEMENT des officiers sont tous situés soit dans le pavillon central, soit dans les petits pavillons latéraux ; ils comprennent les appartements du général, du commandant en second, du major, du trésorier et de l’officier d’administration.
Les locaux affectés aux sous-officiers et aux agents secondaires sont répartis dans les différents étages supérieurs des bâtiments. Les élèves sont logés à l’extérieur de l’École dans un périmètre qui leur est défini.
Les casernements de la troupe sont ceux qui étaient occupés jadis par la Garde impériale autour de la cour Garnier.
Il en est de même pour les chevaux des élèves. Ceux du général, de l’état-major et du personnel enseignant sont logés dans une écurie située dans la cours Guercet.
LES LOCAUX D'ADMINISTRATION
comprennent les bureaux des officiers comptables, le magasin d’habillement qui
se trouve dans l’ancienne chapelle du pavillon central, le magasin de
harnachement dans la rotonde Gabriel (remise en état et transformée en mess en
1945), les ateliers des maîtres ouvriers et le mess, tenu par un gérant civil.
Une implantation qui durera 113 ans
L’École supérieure de guerre va conserver ces locaux jusqu'à la fin de son existence, en 1993 (sauf pendant les interruptions dues aux hostilités).
Dans cette longue période, tout en s’adaptant sans cesse aux besoins de l’enseignement et à l’évolution des méthodes et techniques d’instruction, l’École supérieure de guerre doit composer avec les changements d’occupants à l’intérieur de l’École militaire ; elle voit notamment son patrimoine intial amputé par les mesures suivantes :
- ATTRIBUTION, A LA FIN DE 1916, DU SALON DES MARECHAUX AU GENERAL JOFFRE, qui vient de quitter le commandement en chef des armées françaises.
Jusqu'aux tous derniers temps de sa vie, il y vint chaque jour, matin ou soir, selon la saison, accordant de rares audiences à quelques privilégiés et prenant soin de la rédaction de ses mémoires. Le cabinet voisin, où se tenaient les officiers de son état-major, avait été, avant 1914, celui du commandant de l’École.
Ces locaux sont aujourd'hui occupés par le chef d'état-major des armées.
Le salon des Maréchaux dans les années 20.
- ATTRIBUTION EN 1924 DES APPARTEMENTS DU GOUVERNEMENT AU CHEF D'ETAT-MAJOR GENERAL DE L'ARMEE, délogé lui-même de l’hôtel d’état-major, rue de Grenelle, par le maréchal Foch et sa famille.
Ces locaux sont aujourd'hui occupés par le chef d'état-major des armées. Quant au commandant de l'École supérieure de guerre, qui les occupait précédemment, il dut se contenter d'un appartement moins somptueux dans l'un des pavillons bas.
- RETOUR DE LA CHAPELLE AU CULTE EN 1928 : devenue dépôt de farines pendant la Révolution, la chapelle avait été rendue au culte que sous la Restauration.
Au moment de l'installation de l'École Supérieure de Guerre, on la convertit en magasin d'habillement ce qu'elle demeura jusqu'en 1928. Elle était heureusement déblayée en 1929, ce qui permit d'y organiser l'exposition du corps du maréchal Joffre devant lequel des milliers de personnes défilèrent.
La chapelle est toujours dévouée au culte.
- DESTRUCTION DU QUARTIER FONTENOY (terminée en avril 1955), et transfert du terrain au ministère des Affaires étrangères en vue de sa location à l’UNESCO qui y construira son siège, inauguré en 1958.
L’École dut se rabattre sur les installations de cavalerie (écuries, manège et carrière) subsistant à l’intérieur de l’École ; mais si l’équitation continuait à être pratiquée, il y a longtemps que les officiers élèves n’amenaient plus leur monture (depuis 1928).
Vue panoramique de l'Ecole militaire, en arrière-plan, dans les arbres, le quartier Fontenoy, aujourd'hui détruit.