HISTOIRE DU CORPS D'ETAT-MAJOR .


Ce texte, tiré presque textuellement de l'État militaire du corps d'état-major pour 1878, a cependant reçu de nombreuses modifications.

 

Depuis l'application de la poudre aux machines de guerre, les armées se composent, en Europe, de quatre armes qui ont une instruction particulière appropriée à leur service.

La combinaison de ces quatre éléments, embrassant des rapports divers, des charges nouvelles ont été créées pour en tirer le meilleur parti possible dans toutes les circonstances. C'est ainsi que dans les armées françaises, on vit des aides de camp d'armée, des commissaires généraux d'armée, des sergents généraux de bataille, des maréchaux des logis d'armée, remplir près des commandants des fonctions dévolues maintenant aux officiers de l'état-major.

La difficulté de s'acquitter des devoirs de ces charges temporaires, sans étude spéciale, la nécessité de constituer à chaque entrée en campagne un état-major dont on n'obtenait de résultat satisfaisant qu'après plusieurs années d'apprentissage, déterminèrent, vers la fin du XVIIIe siècle, les principaux États de l'Europe à soumettre à des études spéciales les officiers qui devaient servir d'auxiliaires et d'agents au commandement.

La France ne songea que tard à se procurer les avantages de cette organisation, et celle que Louvois lui donna se maintint à peu près intacte jusqu'à la fin du XVIIIe siècle.

Depuis Louis XIV jusqu'à la Révolution, le service reposait tout entier sur les états-majors, et ceux-ci ont joué un rôle aussi grand que celui actuellement dévolu aux états-majors prussiens, ce qu'on ne s'explique bien qu'en étudiant à fond le mécanisme qui existait alors, avec les généraux du jour, etc.

La plupart des charges étant entre les mains de la noblesse, on avait été naturellement amené à adopter le système des offices dont les attributions se transmettaient avec plus ou moins d'altérations, par la tradition, à ceux qui devaient les occuper en temps de guerre ; il y avait dans chaque armée :

1° Un maréchal général des logis. Cet officier était chargé d'assembler les troupes, de pourvoir à leur subsistance de concert avec l'intendant, d'en dresser l'ordre de bataille, de rédiger les ordres du jour, d'ordonner les reconnaissances des marches et des camps, de dresser les ordres de mouvement, d'assigner le terrain des camps que devaient occuper l'infanterie et la cavalerie, de désigner l'emplacement du quartier général, de l'hôpital, du parc de l'artillerie et de celui des vivres, enfin de prendre toutes les mesures nécessaires pour l'exécution prompte et ponctuelle des ordres du commandant en chef.

Le maréchal général des logis avait deux aides maréchaux des logis pour l'aider dans l'accomplissement de ses devoirs, et il leur assignait les détails qu'ils devaient suivre selon l'aptitude qu'il leur reconnaissait ; il avait aussi la haute main sur les ingénieurs-géographes, le vaguemestre, le capitaine des guides et les fourriers-marqueurs.

2° Un major général de l'armée, ou major général de l'infanterie. On donnait cette double dénomination à cet officier, parce qu'il réglait et surveillait spécialement le service de l'infanterie, et qu'il était en outre chargé de la police de toute l'armée. Il était tenu d'accompagner le général commandant, de se rendre au campement avec le maréchal de camp de jour, de répartir à l'infanterie le terrain qui lui avait été désigné, d'en assembler et d'en placer les postes, gardes et piquets, de rédiger les consignes .et les instructions à donner aux gardes et détachements ; enfin de se concerter avec les majors de l'artillerie et du génie pour les opérations journalières des sièges.

Le major général était aussi tenu de surveiller l'exécution de tous les ordres concernant la police. C'est entre ses mains qu'on remettait l'état des tués, des blessés et des prisonniers c'est lui qui expédiait les ordres relatifs aux sauvegardes, aux déserteurs et aux prisonniers étrangers ; il était chargé, en outre, de l'inspection des hôpitaux et des ambulances, de régler tout ce qui était relatif au transport des bagages, enfin de réunir et de résumer tous les rapports concernant la police.

Pour lui faciliter l'exercice de fonctions si multipliées et si diverses, il avait deux aides-majors généraux et le prévôt ; ce dernier était spécialement chargé de la police et de la justice.

La division entre les services du maréchal général des logis et du major général était bien tranchée. Le premier avait l'ensemble des opérations militaires, le second la discipline et les détails. Ce système de division des attributions a disparu en France avec la création des adjudants généraux, tandis qu'il se conservait en Prusse et en Russie.

3° Un maréchal général des logis de la cavalerie, lequel remplissait pour cette arme les mêmes fonctions que le major général pour l'infanterie, à l'exception de ce qui concernait la police. Le maréchal général des logis de la cavalerie avait aussi deux aides maréchaux des logis.

On voit qu'il y avait de fait, dans cette constitution d'états-majors qui remonte à 1678, trois états-majors distincts dans chaque armée, non compris ceux de l'artillerie et du génie, qui ressortissaient, ainsi que l'intendance, au commandant en chef.

Ce partage des attributions de l'état-major en trois sections indépendantes et souvent rivales occasionnait trop de froissements pour qu'on n'ait pas senti, à différentes reprises, la nécessité de les réunir entre les mains d'un seul corps permanent ; des essais avaient été tentés en 1763, 1778 et 1783.  

C'est à cette dernière date que fut constitué le premier corps d'état-major permanent, qui était composé de 69 officiers divisés en trois classes : aides-maréchaux généraux, officiers adjoints et les attachés à l'état-major. Par un décret du 5 octobre 1790, l'Assemblée nationale confia le service des états-majors aux adjudants généraux. Malheureusement, il résulte de l'étude des projets et des discussions qui précédèrent, que les questions de personnes intervinrent dans une trop large mesure. Espérant arriver plus vite, les très jeunes officiers, membres de l'Assemblée, firent adopter le concours et voulurent absorber les divers services, ceux du maréchal général des logis aussi bien que ceux du major général de l'infanterie et des états-majors particuliers des autres armes. Or, le nouveau service devenu trop chargé, les attributions les plus essentielles en furent souvent négligées, comme on n'avait pas manqué de le prédire. Il est vrai que la plupart des jeunes généraux de la République sortirent des adjudants généraux, mais ils ne tardèrent pas à être remplacés par une génération qui n'avait pas les mêmes talents, et qui, par conséquent, ne put rendre les mêmes services.

A l'origine, les adjudants généraux étaient au nombre de trente, dont dix-sept colonels et treize lieutenants-colonels ; leur avancement était réglé par une loi en dater du 16 novembre 1790, portant principalement qu'ils prendront rang dans leur arme avec les officiers du grade dont ils étaient pourvus comme adjudants généraux.

Une instruction ministérielle, du 1er juin 1791, les chargea provisoirement de toutes les reconnaissances militaires, de la direction des travaux topographiques, des opérations et des mémoires relatifs à la délimitation des frontières, des plans d'offensive et de défensive, du détail et de la transmission des ordres des généraux de division aux troupes, dans l'intérieur et sur le terrain, avec les explications que les circonstances pourraient rendre nécessaires, de l'inspection des postes et des logements, et de la direction des mouvements de troupes dans l'intérieur.

La même instruction fixa le nombre d'adjoints qui pouvaient être employés provisoirement auprès de chacun d'eux. Les adjudants généraux des divisions intérieures n'en avaient qu'un seul, ceux des divisions frontières, continentales ou maritimes, pouvaient en employer jusqu'à trois. Ceux-ci avaient en outre la faculté d'attacher à leur bureau un sous-officier de toutes les armes.

Bien que cette organisation fût incomplète, en ce qu'elle ne posait pas les conditions d'admission des officiers dans le corps des adjudants généraux, et ne ménageait pas les intérêts de l'avenir, en prescrivant les études auxquelles ils devaient se livrer, elle aurait certainement produit une amélioration sensible, s'il y avait eu assez d'officiers expérimentés pour le former. Malheureusement il n'en existait qu'une douzaine qui s'étaient instruits dans les camps de Vaussieux et de Saint-Omer, et à l'état-major du petit corps de troupes envoyé au secours des États-Unis d'Amérique. Bientôt après, l'émigration produisit des vides irréparables dans le cadre ; les emplois d'adjoints furent donnés à des hommes qui n'avaient pas les qualités voulues, en sorte que, dès le mois d'avril 1792, il fallut renoncer à l'idée de prendre les chefs d'état-major parmi les adjudants généraux, et le gouvernement se vit obligé de nommer des maréchaux de camp pour en remplir les fonctions.

Alors les adjudants généraux furent réduits à suivre les détails des branches que leur assignaient les chefs d'état-major généraux ou à remplir les fonctions de chefs d'état-major dans les divisions. Toutefois la faculté illimitée qui leur avait été laissée, de prendre à l'armée le nombre d'adjoints qui leur était nécessaire, ayant engendré des abus, le ministre fit rentrer, à la fin d'avril 1792, ces officiers à leur corps, se réservant de statuer sur les propositions qui lui seraient faites en faveur d'officiers qui, par leur instruction et leurs talents, paraîtraient propres à aider les adjudants généraux dans l'accomplissement de leurs pénibles devoirs.

La guerre qui s'alluma trouva donc l'état-major composé d'officiers actifs et intelligents, mais sans expérience et sans instruction spéciale. Aussi les campagnes de 1792 et 1793 furent-elles marquées par des désordres et une confusion qui faillirent nous être plus d'une fois funestes. Ce n'est qu'à la fin de 1793, que ce service, ayant recruté les Miollis, les Saint-Hilaire, les Reynier, les Saint-Cyr et quantité d'autres officiers instruits, fut à la hauteur de ses fonctions, et fut d'un véritable secours au commandement.

La loi du 3 avril 1795 régla tout ce qui avait rapport à l'avancement des officiers qui se vouaient à cette carrière. Les chefs d'état-major généraux étaient choisis par le gouvernement parmi tous les généraux de brigade, et de préférence parmi ceux qui avaient été employés comme adjudant, généraux. La nomination des adjudants généraux était faite par le conseil exécutif, sur une liste de trois candidats, votée à la majorité absolue, par tous les généraux et chefs de brigade de la division où l'emploi était vacant, sous la présidence du général de cette division ; les candidats devaient avoir au moins six mois de grade de chef de bataillon ou d'escadron. Lorsqu'un officier avait été présenté deux fois sans être nommé, l'emploi lui appartenait de droit à la troisième présentation.

Les adjoints étaient choisis, sauf l'approbation du chef de l'état-major général, par les adjudants généraux chefs de brigade, parmi les lieutenants de toutes armes; ces officiers conservaient leur rang d'ancienneté dans le corps dont ils sortaient, mais obtenaient le grade de lieutenant après un an d'exercice, celui de capitaine au bout de dix-huit mois de service comme lieutenant, et devenaient susceptibles de passer chefs de bataillon après deux ans de grade de capitaine, sur la présentation du conseil exécutif.

Ce fut sous l'empire de cette législation que les officiers d'état-major traversèrent les sept premières campagnes de la Révolution, c'est-à-dire sans organisation spéciale et régulière et sans service nettement défini, situation assez grave pour obliger le général Berthier, en Italie, à faire paraître, le 31 janvier 1796, des instructions sur le service provisoire de l'état-major et des adjudants généraux. Leur nombre s'était plus que doublé, vainement, pour arrêter cet accroissement qui dépassait les besoins, le ministre avait assujetti, en mai 1798 les officiers choisis pour adjoints ou pour aides de camp, à faire la demande de lettres de service ; cette mesure n'atteignit pas son but. Quinze mois plus tard, une loi de finance, du 9 septembre 1799 réduisit l'effectif des adjudants généraux à cent dix, et plaça leurs adjoints pour la première fois dans la même catégorie que les aides de camp. Ils formaient ensemble un total de cinq cent vingt officiers, dont six chefs de brigade, trente chefs de bataillon, trois cent quatre-vingt-deux capitaines, et cent deux lieutenants.

Bonaparte, en saisissant les rênes du gouvernement, voulut réorganiser l'état-major. Il le transforma donc, par arrêté du 16 juillet 1800 en un corps d'adjudants commandants.

Cette transformation avait surtout pour but de prévenir les inconvénients résultant du mode de recrutement des officiers d'état-major qui, suivant lui, avait pour effet d'appauvrir les corps en leur enlevant les meilleurs sujets et de priver plus tard d'avancement ces corps en leur rendant ces officiers avec un grade supérieur. Plus tard, un arrêté des consuls, du 8 octobre 1800, porte que les adjoints ne seront plus spécialement attachés aux adjudants généraux, et prendront le titre d'adjoints à l'état-major général, qu'Us seront attachés aux corps d'infanterie et de cavalerie, sans qu'il puisse y en avoir plus de deux dans chaque corps, et qu'à la dissolution de l'armée dont ils feraient partie, ils seraient à la suite de leurs corps, jusqu'à la première vacance. Le même arrêté accordait aux généraux de division trois aides de camp, dont un chef de bataillon ou d'escadron, et deux capitaines ou lieutenants, et aux généraux de brigade deux capitaines ou lieutenants. Il reconnaissait à ces officiers le droit aux emplois vacants à la nomination du gouvernement dans les corps dont ils sortaient, lorsqu'ils ne seraient plus employés en qualité d'aides de camp.

Un arrêté du 5 novembre 1800 fixe le nombre des adjoints à trois cents, et prescrit de les choisir parmi les capitaines ayant servi dans ce grade au moins un an dans les corps de la ligne. Ces officiers ne pouvaient, ainsi que les aides de camp, être nommés chefs de bataillon ou d'escadron qu'après deux ans de service à l'état-major.

Cependant, ce corps d'état-major ainsi constitué, n'offrant pas au premier consul toutes les ressources qu'il désirait et qu'il ne pouvait exiger de ceux qu'on y admettait sans examen, toutes les parties de son service qui demandaient quelques connaissances spéciales, passèrent, par la force des choses, au corps du génie, et le corps des adjoints ne renfermant pas une assez grande quantité d'officiers capables, on put sans inconvénient en réduire le nombre d'un tiers.

L'arrêté du 10 octobre 1801, et plus tard les arrêtés du 12 octobre 1802 et du 24 septembre 1803 donnèrent à l'état-major les cadres suivants :

Adjudants-commandants

120

Adjoints aux états-majors (capitaines)

200

 

Aides de camp

Chefs d'escadron

120

 

840

Capitaines

360

Lieutenants

360

Total

1160

HISTOIRE DU CORPS D'ETAT-MAJOR ..

L’organisation du service des états-majors sous l’Empire, due aux généraux Berthier et Mathieu Dumas, date de 1803 et reposait sur les bases suivantes, destinées à séparer l'ensemble des opérations militaires de tous les détails absorbants ; à savoir :

- 1 major général, remplissant à peu près les fonctions de l'ancien maréchal des logis de l'armée et ayant auprès de lui :

3 généraux de brigade,

3 adjudants commandants,

11 officiers supérieurs,

13 adjoints ou aides de camp.

- 3 aides-majors généraux chargés : le premier, des effectifs, de la solde, des malades, de l'habillement, et généralement des questions de commandement .et d'avancement et des renseignements sur les positions de l'ennemi ; le second, des camps, marches et cantonnements avec le titre de maréchal des logis de l’armée ; le troisième était directeur du dépôt, chef du service topographique et chargé de l'historique des opérations militaires.

Chacun de ces 3 aides-majors généraux avait auprès de lui : le premier, 4 adjudants commandants et 12 adjoints ; le second, adjudant commandant et 4 adjoints ; le troisième, 2 adjudants-commandants et 1 section d'ingénieurs-géographes.

Dans chaque corps d'armée, le général chef d'état-major général était secondé par 2 ou 3 adjudants commandants, entre lesquels il répartissait le service.

Depuis cette époque, deux corps, dont un de deux grades sans contact, formaient l'organisation légale de l'état-major ; mais la force des choses obligea d'employer des officiers de tout grade à la suite de l'état-major, et le complet ne tarda pas à être dépassé, tant par la création des généraux aides de camp et des maréchaux que par l'accroissement progressif des armées. En 1806, on comptait déjà cent trente-deux adjudant-commandants, et plus de mille adjoints et aides de camp de tous grades ; en 1812, le nombre des premiers fut porté à cent cinquante-deux, et celui des seconds à plus de quatorze cents. En 1812, le nombre des adjudants-commandants s'élevait à cent quatre-vingt-dix, et il arriva jusqu'à deux cent vingt-huit en 1814. Aux mêmes époques, le total des adjoints et des aides de camp dépassait quinze cents.

Cependant, dès 1809, la carrière de l'état-major proprement dite fut désertée par tous les officiers qui, poussés par l'ambition ou se sentant la capacité nécessaire, avaient la prétention d'arriver aux premiers grades de l'armée. Ils rentrèrent dans la ligne, ou s'attachèrent aux généraux en crédit en qualité d'aides de camp. Vers le déclin de l'Empire, le service à l'état-major était très-décrié, et l'armée était loin de le regarder comme le foyer où se développaient les conceptions du général en chef. Il s'était réduit peu à peu à celui des bureaux.

Si l'on considère les grandes lignes de service sous l'Empire, on trouve que l'Empereur est, en réalité, son propre chef d'état-major, que Berthier n'est que son premier aide de camp, d'où une tradition fausse dont l'influence règne encore pendant de longues années, après avoir fait sentir ses effets dans la période qui précéda 1815.

Un semblable état de choses était très fâcheux. Longtemps avant la chute de Napoléon, des officiers généraux distingués par leurs lumières et leur expérience, avaient appelé son attention sur la nécessité de remédier au mal ; mais les tristes événements qui marquèrent ses dernières campagnes ne lui permirent pas de s'occuper de la réorganisation de l'état-major.  

*

*      *

Cette tâche était réservée au maréchal Gouvion Saint-Cyr, qui se trouva placé en 1818 dans des circonstances plus favorables. Il posa en principe que l'officier d'état-major, quelle que fût la nature de son service, appartenait au commandement et non à la personne qui en était revêtue, qu'il devait offrir, par une instruction appropriée à son service, des garanties au gouvernement, qui lui assurerait en retour une carrière égale à celle qu'on obtient dans les autres armes spéciales. Indépendamment de ces considérations fondamentales, il y avait encore d'autres conditions à remplir : il fallait baser l'organisation du corps à créer, sur les besoins éventuels du service, calculés d'après le cadre de l'état-major général et la force de l'armée, en temps de paix et en temps de guerre, combiner la proportion des différents grades, de manière à répondre à la fois à la marche graduelle et lente de l'instruction, aux besoins du service et à l'avancement raisonnable des officiers. Il fut donc arrêté, pour remplir ces conditions, que les maréchaux auraient, en temps de guerre, un colonel ou un lieutenant-colonel, un chef de bataillon, deux capitaines et deux lieutenants pour aides de camp, et que, sur le pied de paix, ils en auraient seulement quatre, dont deux officiers supérieurs. Les lieutenants généraux devaient avoir, en campagne, trois aides de camp, dont un chef de bataillon, un capitaine et un lieutenant, et deux seulement en temps de paix. Les maréchaux de camp, deux aides de camp, capitaine et lieutenant, en temps de guerre, et un seulement en temps de paix.

On décida, en outre, que le corps devait être assez nombreux pour pourvoir aux besoins d'une armée de trois cent mille hommes, formant trente divisions d'infanterie ou de cavalerie en ligne, et six corps d'armée ; enfin, que les officiers d'état-major existants, les aides de camp et les officiers de toutes armes, en activité ou disponibles, concourraient à la formation du nouveau corps.

C’est d’après ces bases qu’une ordonnance du 6 mai 1818 forma le corps royal d’état-major de :

30 colonels,

30 lieutenants-colonels,

90 chefs de bataillon,

270 capitaines,

125 lieutenants.

Total :          545 officiers titulaires.

Plus 100 aides-majors, sous-lieutenants ou lieutenants, susceptibles d'être appelés à l'état-major en temps de guerre, et un nombre d'élèves sous-lieutenants déterminé chaque année par les besoins du service.

La même ordonnance affecta huit lieutenants généraux et seize maréchaux de camp au corps d'état-major, pour remplir les emplois de chefs d'état-major généraux et d'aides-majors généraux aux armées et dans l'intérieur.

L'ordonnance rendue, il s'agissait de remplir le cadre, et ce n'était pas une opération facile après le bouleversement qui venait d'avoir lieu, car on possède des documents qui révèlent à la fois la pensée intime du maréchal Gouvion Saint-Cyr, en organisant le corps et les difficultés que lui suscitaient les conditions politiques du temps. Il existait alors soixante-treize colonels ou lieutenants-colonels, cent vingt-quatre chefs de bataillon, deux cent soixante-dix-huit capitaines et soixante-huit lieutenants, en tout cinq cent quarante-trois officiers en activité, et plus du double à la demi-solde, sortant de l'état-major de l'ancienne armée. Le ministre eût bien désiré mettre tous les emplois supérieurs au concours mais comment assujettir des officiers d'un grade élevé et d'un âge mûr à des examens ? Ils s'y seraient refusés, les uns par fierté, les autres en invoquant les convenances. On fut donc d'autant moins sévère, pour l'admission dans le corps d'état-major, que les candidats avaient un grade plus élevé. On ne consulta que les états de service ou les recommandations pour les colonels et les lieutenants-colonels : on fut plus rigoureux pour les chefs de bataillon : on demanda des mémoires et des dessins aux capitaines, et enfin on imposa, conformément à l'instruction ministérielle du 30 juillet 1818, de véritables examens aux lieutenants et sous-lieutenants qui aspirèrent au grade d'aide-major.

Une ordonnance du 27 mai nomma les lieutenants généraux, les maréchaux de camp, les colonels et les lieutenants-colonels. Les généraux, un seul excepté, furent pris parmi les généraux de l'Empire qui avaient servi dans les états-majors ; mais comme il s'était introduit parmi les colonels et les lieutenants-colonels par suite de circonstances particulières à l'époque, beaucoup, d'officiers sans illustration personnelle et sans services, l'ordonnance accorda une sorte de satisfaction aux adjudants-commandants de l'armée impériale, en en désignant trente pour concourir avec les lieutenants-colonels titulaires, au remplacement des emplois de colonel qui viendraient à vaquer. Ainsi, dès l'origine, et contrairement à l'ordonnance de création, le corps eut soixante colonels au lieu de trente. Une ordonnance du 24 juin nomma quatre-vingt-huit chefs de bataillon ; trois autres, des 12 et 23 décembre 1818 et 20 janvier 1819, contiennent la désignation de deux cent soixante-dix capitaines ; enfin, cent vingt-cinq lieutenants furent admis par deux ordonnances des 20 janvier et 10 février 1819, et 68 sous-lieutenants par celle du 20 janvier 1819.

Malgré les concessions auxquelles le maréchal Saint-Cyr dut se résigner pour assurer le triomphe de son idée fondamentale, l'organisation dont il est l'auteur ne fut pas seulement avantageuse à l'armée, elle fut en même temps une œuvre pacifique utile à l'État. Elle fut avantageuse à l'armée, car elle mit un terme à ces sollicitations par suite desquelles des officiers, passant alternativement de l'état-major dans les corps de troupes, enlevaient aux véritables officiers des deux services l'avancement au choix, qui aurait dû leur être assuré par leur spécialité. Elle fut utile à l'État, parce qu'elle lui assura les garanties qu'il doit exiger de tous ses fonctionnaires ; enfin, elle mit un terme à des exigences qui entraînaient le ministre de la guerre à remplir, sans compter, un cadre sans limites. Cette ordonnance et la loi du recrutement assignent au maréchal Saint-Cyr une place distinguée parmi les hommes énergiques dont s'enorgueillit la France. Du reste, il comptait moins sur ce que le corps était à sa formation, que sur ce qu'il serait dans l'avenir, par ses études et ses services.

En effet, l'analyse des éléments dont il se composa prouve qu'il renfermait une foule d'officiers jeunes encore, mais déjà mûris par l'expérience des dernières campagnes, qui devaient bientôt acquérir par l'étude à laquelle ils allaient être assujettis, les connaissances théoriques qui leur manquaient, et servir de guides, en cas de guerre, aux lieutenants et sous-lieutenants qui sortaient des écoles, et n'avaient encore que l'instruction scientifique de leur état.

Le tableau ci-après donne l'origine de tous les officiers qui entrèrent dans le cadre du corps à sa formation.

 

Grades

Nombre d’officiers fournis par

L’ancien état-major

Les aides de camp

La maison du roi

L’infanterie

La cavalerie

L’artillerie

Le génie

Total

Colonels

47

6

5

 

1

 

1

60

Lieutenants-colonels

8

7

9

2

2

1

1

30

Chefs de bataillons

37

43

 

4

4

 

 

88

Capitaines

52

127

3

58

21

6

3

270

Lieutenants

2

28

10

43

17

16

9

125

Sous-lieutenants

 

 

9

40

11

8

 

68

Totaux

146

211

36

147

56

31

14

641



Le maréchal Gouvion Saint-Cyr, minstre de la Guerre.


HISTOIRE DU CORPS D'ETAT-MAJOR ...

Le gouvernement n'attendit pas que le corps fût au complet pour l'utiliser. Au fur et à mesure que les cadres se remplirent, une partie des officiers qui y étaient compris reçurent des lettres de service, soit au dépôt de la guerre, soit aux états-majors des divisions territoriales, soit auprès des généraux en activité en qualité d'aide de camp. Le reste demeurera disponible dans ses foyers.

Le roi, décidé à porter la guerre en Espagne, éleva, par ordonnance du 12 février 1823, le nombre des colonels titulaires à quarante, afin d'engager les colonels de remplacement à solliciter de l'activité. Cette mesure produisit son effet, et cette campagne, dans laquelle on n'employa pas moins de deux cent vingt-trois officiers de tous grades, fournit l'occasion au corps d'état-major de faire ses premières preuves.

Une ordonnance du 10 décembre 1826, rendue sous le ministère du marquis de Clermont-Tonnerre, fit rentrer dans le cadre de l'état-major général de l'armée les officiers généraux qui avaient été appelés par l'ordonnance de création à former la tête du corps elle en réduisit les officiers titulaires à quatre cent cinquante, en augmentant le cadre de dix chefs de bataillon et de vingt capitaines, et plaça, comme aides-majors, quatre-vingt-quinze lieutenants dans les corps de la ligne.

Cette ordonnance stipula que les emplois de capitaines titulaires seraient donnés au concours, dans l'ordre de classement des travaux spéciaux, aux capitaines détachés dans la ligne et aux lieutenants détachés dans la garde ; elle autorisait le ministre à placer les officiers titulaires comme officiers de troupe dans les régiments d'infanterie et de cavalerie, sans qu'ils pussent rentrer dans le corps autrement que par permutation ; enfin elle contenait des dispositions relatives à l'uniforme, qui devenait relativement fort coûteux. La réforme de 1826, qui souleva de vives critiques, avait cependant été inspirée par les intentions primitives du maréchal Gouvion Saint-Cyr, mais elle parut amener aussi les abus que le maréchal avait le plus redoutés à l'origine : la faculté de favoriser outre mesure certains officiers, la possibilité d'en priver d'autres des avantages de rang et de, position acquis par ses études et ses services. Cependant, malgré les critiques dont elle fut l'objet, elle dota le corps d'état-major d'une institution qui lui manquait. L'ordonnance de création n'avait fait aucune mention d'un comité, chargé de diriger vers un but constant l'instruction et les opérations d'un corps disséminé, même en temps de paix, dans toute la France, et d'en faire mouvoir les membres avec ensemble ; cela ne se pouvait sans avoir un centre commun où l'on pût, sans assigner à chacun sa tâche, et peser avec le même poids le mérite de tous. La première démarche des officiers généraux placés à la tête du corps avait été de réclamer la formation d'un comité semblable à ceux de l'artillerie et du génie, afin de pouvoir imprimer aux travaux du corps la direction et l'impulsion convenables. Après un an d'hésitation, le ministre Latour-Maubourg le leur accorda le 6 mars 1821 ; mais ce n'était qu'un comité provisoire. L'art. 16 de l'ordonnance du 10 décembre, confirmant son existence, régla ses attributions, et voulut que ses membres ainsi que son secrétaire fussent nommés, chaque année, par le roi, sur la proposition du ministre de la guerre.

Ce comité, aux termes de l'art. 27, était chargé :

1° De s'occuper de tout ce qui est relatif au perfectionnement de l'instruction théorique et pratique des officiers du corps

2° de déterminer les travaux annuels qu'ils devaient exécuter, de les examiner et de les classer par ordre de mérite ;

3° enfin, de donner son avis sur tous les objets relatifs au service de l'état-major qui lui seraient désignés par le ministre.

Le 29 décembre 1826, parut le règlement qui fixa le service des aides-majors, et, le 25 avril suivant, l'ordonnance qui assigna leur rang dans les corps de troupes.

Une décision du roi, du 4 février 1827, déclara que les sous-lieutenants d'état-major seraient promus au grade de lieutenant le jour où ils auraient accompli leur quatrième année de grade. Une autre décision, du 15 mars, régla les conditions d'avancement au choix des capitaines titulaires et le mode d'admission et de classement de ces officiers.

En 1828, le gouvernement ayant résolu d'envoyer une expédition d'environ dix mille hommes en Morée, seize officiers du corps furent désignés pour en faire partie.

Jusqu'à cette époque, on n'avait alloué aux officiers d'état-major employés aux reconnaissances militaires aucune indemnité quand ils se rendaient sur le terrain à lever. Ces déplacements étant très dispendieux, le ministre, sur la proposition du comité, leur accorda, le 30 septembre 1827, l'indemnité de route pour l'aller et le retour, lorsque la distance à parcourir pour s'y rendre de leur domicile excéderait cinq lieues de poste.

Une décision royale du 7 mai 1828, confirmative des dispositions de l'ordonnance du 26 janvier 1825, ordonna que les emplois de chefs d'état-major, d'officiers d'état-major et d'aide de camp aux colonies, seraient occupés par des officiers du corps d'état-major, comme spécialement dévolus à leur service et quoiqu'une ordonnance du 21 décembre 1828 eût fait passer la direction, l'administration et la comptabilité du service militaire des possessions d'outre-mer au département de la marine, elle entendit que les officiers du corps d'état-major continueraient à y être employés, sans cesser de lui appartenir.

De nouvelles conditions pour l'avancement au grade de chef de bataillon et l'admission des capitaines dans les cadres des titulaires furent imposées aux officiers par une instruction ministérielle du 11 septembre 1829.

La capitale n'étant pas classée au nombre des places de guerre, le ministre décida, le 9 janvier 1830, que les officiers employés à l'état-major de Paris seraient replacés dans les corps dont ils sortaient, et que le service de place serait confié à l'avenir aux officiers du corps royal d'état-major.

Jusqu'alors, l'École de Saint-Cyr avait alimenté celle d'application, les 25 premiers élèves sortants étaient appelés à l'École d’application d'état-major, mais soit que l'instruction qu'on recevait è Saint-Cyr ne fût pas suffisante, soit que le classement fût fait sur des principes différents de ceux qui étaient en usage dans la dernière, les élèves étaient trop faibles pour passer de suite aux études d'application, ce qui obligeait les professeurs de l'École d'état-major à revenir sur des cours élémentaires et retardait l'instruction spéciale. Chaque année le conseil d'instruction de l'École d'application en avait fait l'observation au comité qui, en transmettant ces plaintes au ministre, avait insisté sur la nécessité de remédier à cet état de choses. Ce fut sur ces représentations, réitérées et pressantes, qu'une décision ministérielle du 26 février 1830 non insérée au Journal militaire, prescrivit qu'à l'avenir un des membres du comité d'état-major ferait partie du jury d'examen de l'École de Saint-Cyr. Cette mesure eut les plus heureux résultats : par suite des observations consignées depuis lors dans les rapports des divers jurys d'examen, et particulièrement dans celui de 1833, le maréchal duc de Dalmatie nomma, le 21 février 1834, une commission qui arrêta le système d'études de l'École militaire, et le coordonna avec ceux de l'École d'application d'état-major et de l'École de cavalerie.

Cependant, l'expédition d'Alger s'était préparée : cinq colonels ou lieutenants-colonels, onze chefs de bataillon et trente et un capitaines, non compris les officiers détachés dans les corps, furent désignés pour en faire partie, soit à l'état-major, soit en qualité d'aides de camp, et par suite des services qu'ils rendirent, la constitution du corps semblait pour longtemps affermie.

Déjà, plusieurs fois, il avait été question de réunir au corps d'état-major les ingénieurs-géographes. Les jeunes officiers de de corps en témoignaient ouvertement le désir, et l'on s'attendait à cette réunion d'un moment à l'autre, lorsque l'existence du corps fut remise de nouveau en question. On se rappelle qu'à la suite de la révolution de juillet, on craignit un instant de voir s'allumer une guerre générale. La France était menacée d'une coalition plus formidable que celles qui s'étaient nouées contre elle en 1793 et en 1813. On sentait l'urgence de porter prochainement l'armée à six cent mille hommes ; cependant, ce fut à cette époque que le corps d'état-major organisé par le maréchal Saint-Cyr pour une armée de trois cent mille hommes, diminué du cinquième par le marquis de Clermont-Tonnerre, fut réduit, par une ordonnance du 12 novembre 1830, à trois cents officiers, dont vingt colonels, vingt lieutenants-colonels, soixante chefs de bataillon et deux cents capitaines. Cette ordonnance signée du maréchal Gérard, ne reçut pas son exécution : le maréchal Soult, non-seulement maintint le premier effectif du corps, mais il consolida son existence en y amalgamant le corps des ingénieurs-géographes.

Depuis longtemps on avait trouvé que la coexistence de ces deux corps formait double emploi. Sans doute les ingénieurs géographes étaient capables de remplir le service important des reconnaissances. Si la pensée qui avait dicté le décret impérial du 30 janvier 1809, et fait prendre rang au corps des ingénieurs-géographes parmi les corps spéciaux, en tirant les sujets de l'École polytechnique, avait présidé à l'exécution du décret, il est probable que ce corps eût servi de souche à un corps d'état-major : mais puisqu'enfin il n'avait pas acquis son développement sous l’Empire, faute d'une instruction suffisamment militaire ; que le maréchal Saint-Cyr avait négligé d'en faire le noyau du nouveau corps d'état-major, et que les ingénieurs-géographes, par la nature ambiguë de leurs attributions, n'appartenaient ni au civil ni à l'armée, il convenait de les fondre dans l'état-major. Cette fusion était réclamée dans l'intérêt de l'État, aussi bien que dans celui des deux corps. L'état-major devait trouver dans les ingénieurs-géographes, livrés exclusivement jusqu'alors à la science des hommes qui propageraient dans son sein le goût des travaux scientifiques ; dans les vieux capitaines qui avaient exécuté de si beaux travaux topographiques à suite des armées, pendant les guerres de l’Empire, des guides sûrs pour les jeunes officiers : tandis que les lieutenants géographes acquerraient, par l’étude et le contact avec leurs nouveaux camarades, les connaissances militaires et pratiques qui leur manquaient, et trouveraient, ainsi que les capitaines, un dédommagement à la perte de leur titre dans les chances d'avancement qui leur étaient offertes. C’est dans ces vues que l’ordonnance du 22 février 1831 réunit le corps des ingénieurs-géographes à celui d'état-major et fixa le cadre de celui-ci après la fusion à :

33 colonels

33 lieutenants-colonels

109 chefs de bataillons

326 capitaines

Total :          501 officiers.

sans compter les capitaines et les lieutenants détachés, les lieutenants aides-majors, les sous-lieutenants détachés et lieutenants élèves.

Cette réunion eût été désavantageuse aux ingénieurs-géographes, s'ils avaient été admis dans le corps d'état-major d’après la législation en vigueur, car ils n'auraient pris rang dans chaque grade qu'à la fin du tableau ; au contraire, s’ils avaient été pris dans leur rang d'ancienneté à la date de leur brevet, comme ils étaient tous très anciens, ils auraient été portés à la tête du tableau et auraient causé un tort réel aux officiers d'état-major. Pour respecter tous les droits et concilier tous les intérêts, on réserva aux ingénieurs-géographes le neuvième des vacances de tous grades correspondant à la proportion de l'effectif des grades de leur corps à celui de l'état-major. Ce mode d'avancement, qui devait être suivi jusqu’à ce que tous les ingénieurs géographes eussent été promus à un grade supérieur à celui dont ils étaient pourvus au moment de l'amalgame, fut ensuite abandonné à leur profit par les officiers d'état-major, pour opérer une fusion plus prompte et plus amicale.

Deux ans s'étaient à peine écoulés depuis l'ordonnance de fusion, que, les circonstances sous l'empire desquelles elle avait eu lieu cessant d'être aussi inquiétantes, le gouvernement crut pouvoir ramener sans secousse, et au moyen de retraites accordées à de vieux officiers, le corps à peu près à son complet primitif. En conséquence une ordonnance du 23 février 1833 réduisit son cadre à :

30 colonels,

30 lieutenants-colonels,

100 chefs d'escadron,

300 capitaines,

Total :          460 officiers.

sans compter cent lieutenants, et cinquante sous-lieutenants élèves.

Cette ordonnance porte que le corps sera recruté par des sous-lieutenants de toutes armes, ainsi que par des élèves de l'École polytechnique et de l'École militaire, ayant satisfait aux examens de sortie; elle permet les permutations sous conditions d'examen, et autorise le passage des officiers de tout grade dans l'infanterie et la cavalerie, par des moyens plus rationnels que ceux spécifiés dans l'ordonnance du 10 décembre 1826 ; elle décide que les officiers pourront être attachés aux ambassades, qu'ils seront employés au dépôt de la guerre, soit pour les travaux de cet établissement, soit pour ceux de la carte de France, ou autres analogues. Elle impose aux lieutenants deux ans de service dans l'infanterie, puis deux ans dans la cavalerie, et suivant les circonstances, une cinquième année à la suite d'un régiment d'artillerie ou du génie ; elle détermine le service des officiers détachés dans les corps de troupes, enfin elle transforme le comité permanent en une commission d'examen qui tient ses séances du 1er octobre au 1e avril.

La commission procède aux examens d'admission à l'École d'application et de sortie de cette école, ainsi qu'à ceux des officiers qui se présentent pour entrer dans le corps par permutation ; elle rédige et propose au ministre les règlements sur l'organisation et le régime intérieur, censure les cours et arrête les programmes d'entrée et de sortie de l'École d'application ; elle a aussi dans ses attributions les travaux d'étude annuels des lieutenants et des capitaines détachés dans les corps, ainsi que ceux des capitaines non détachés qui n'ont pas deux ans de grade et de fonctions d'état-major ; elle classe ces travaux, ainsi que ceux des autres officiers du corps; elle dresse le tableau d'avancement ; enfin elle tient une matricule.

Cette ordonnance de réformation ne reçut pas sa pleine et entière exécution ; d'abord, le maréchal de camp, qui, aux termes de l'art. 29, devait remplacer, dans la commission d'examen, le directeur du dépôt de la guerre président, ne fut point désigné parmi ceux qui avaient été colonels d'état-major comme le voulait cet article ; ensuite des obstacles s'opposèrent à l'ouverture de la matricule au secrétariat de la commission, en sorte qu'on ne put inscrire les rapports annuels des inspecteurs généraux et des généraux commandants, sur la conduite et les services des officiers, ainsi que les notes de la commission sur leurs travaux, comme le prescrivait l'art. 36, afin de pouvoir rendre compte chaque instant de leur mérite, de leurs services relatifs, et de leur assigner en tout temps la meilleure destination enfin, l'ordonnance du 16 mars 1838, relative à l'avancement, enleva à cette commission, par l'article 134, titre V, la plus essentielle de ses attributions, l'établissement du tableau d'avancement par ordre de mérite, pour en charger une commission temporaire composée de cinq lieutenants généraux.

Le 18 juin 1841, une ordonnance royale portait création d'un comité consultatif d'état-major.

Le 3 mai 1848, un décret réduisait le cadre des officiers d'état-major, et était abrogé par un autre décret du 20 décembre 1851.

A cette époque le recrutement du corps se faisait avec difficulté par suite des nombreuses mesures de détail prises depuis 1830, mesures qui semblaient avoir eu pour résultat d'isoler de plus en plus le corps de l'armée, ou de le confiner dans un service trop restreint, aussi parce qu'en entrant dans le corps, on était loin d'y trouver les chances d'avancement offertes dans la cavalerie et l'infanterie aux officiers sortant des écoles militaires. D'après l'ordonnance de 1833, les élèves de Saint-Cyr qui désiraient concourir pour entrer à l'École d'état-major devaient sortir dans les trente premiers, et il arrivait que le nombre de ceux qui se présentaient, ajouté à celui des sous-lieutenants autorisés à concourir avec eux, était à peine suffisant pour le nombre de places disponibles. C'est alors qu'intervint le décret du 12 avril 1852 autorisant à concourir les trente premiers élèves sortant de Saint-Cyr qui le demanderaient. Ce décret, qui ne modifiait en rien les dispositions importantes du deuxième paragraphe de l'art. 27 de l'ordonnance de 1833, et qui ne faisait que faciliter les conditions d'entrée sans offrir des avantages de nature à appeler un plus grand nombre de candidats, fut complété en 1858 par un second décret (24 avril). Celui-ci déterminait que le ministre réglerait chaque année le nombre des élèves à admettre à l'École d'état-major, ce qui permettait une application plus large de l'art. 27 de l'ordonnance de 1833.

Enfin, par un décret du 8 juin 1861 relatif aux modifications à apporter à l'organisation de l'École spéciale militaire, le nombre de candidats élèves de Saint-Cyr doit être, en principe, double de celui formant, pour l’année, le recrutement de l'École d'état-major.

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Avant de la guerre de 1870, l'exercice même du commandement est donc assuré par l'existence, auprès des généraux, du corps spécial d'état-major, fournissant à la fois les aides de camp et les états-majors proprement dits. Ce corps se recrute par voie de concours, parmi les élèves de Saint-Cyr et les sous-lieutenants de l'armée, et par voie directe, parmi les élèves de l’École polytechnique, dont deux ou trois par an sont admis, sans examen, à l'École d'application d'état-major. Après deux années de cours, ces officiers sont classés définitivement dans le corps, avec le grade de lieutenant, mais n'en exercent les fonctions qu'après des stages d'une durée totale de cinq ans dans les trois armes de l'infanterie, de la cavalerie et de l'artillerie.


« Tel est le corps d’état-major écrit Le général Thomas, corps essentiellement fermé, comme on le voit, composé d'officiers instruits ou tout. au moins ayant reçu une instruction spéciale, peu familiers avec le service des troupes et formant eux-mêmes deux catégories assez tranchées : d'une part, les officiers brillants et hommes du monde, recherchés comme aides de camp ; d'autre part, les officiers travailleurs, ferrés sur les règlements, occupés dans les bureaux à un métier peu fait pour développer les aptitudes militaires, forcés en tant cas de persévérer jusqu'un bout dans une carrière qu'ils avaient choisie à un moment où leurs idées n'étaient pas encore bien arrêtées et pour ainsi dire, ils ne se connaissaient pas eux-mêmes. On avait donc, en créant le corps d’état-major, coupé court à de graves abus et remédié à un mal profond ; mais si le principe était bon, l'application en laissait fort à désirer. Aussi, de nombreuses plaintes s’élevèrent-elles contre les officiers d’état-major, jalousés par les officiers de troupe pour des avantages souvent plus apparents que réels, pour l'avancement rapide donné aux plus brillants d'entre eux et dont le plus grand nombre était loin de profiter, pour le ton de supériorité et les airs de commandement que certains puisaient dans commerce journalier des généraux. »  


Ajoutons qu'aucun règlement ne fixe les attributions ou les fonctions de l’état-major, en sorte que le service y est uniquement dirigé par quelques traditions et surtout la routine, qui exclue de parti pris le corps d'état- major de toute participation à la préparation de la guerre, exclusivement réservée aux bureaux du Ministère. Il en résulte pour les officiers d'état-major une situation effacée et indigne du réel mérite qui est l'apanage de la plupart d'entre eux, condamnés à confiner leur activité et leur intelligence dans les limites très bornées d'un champ d'action où leurs qualités ne tardaient pas à s'émousser. Placés, après quelques années de ce régime, aux prises avec les difficultés de la guerre, ils se montrent généralement inférieurs à leur mission, et ne rendent ni dans les reconnaissances, ni dans la préparation et la rédaction des ordres, les services qu'on était en droit d'attendre d'eux.


Une pareille situation ne peut échapper à la perspicacité du maréchal Niel. Aussi, en 1868, essaie-t-il de tirer l'état-major de la torpeur où on le laisse s’enliser, en demandant à ses membres des travaux sur les armées étrangères et des études sur les principaux problèmes alors à l'ordre du jour. Plusieurs répondent à cet appel, et il en résulte des brochures intéressantes et utiles. Mais ces travaux individuels, qui émanent de personnalités déjà en vue, ne constituent aucun changement dans le fonctionnement général du service d'état-major. A la veille de la guerre de 1870 celui-ci continue à s'user dans une bureaucratie improductive et ne se prépare en aucune façon aux responsabilités redoutables qui vont bientôt lui incomber.



Le maréchal Niel, ministre de la Guerre.


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Après le désastre de 1870, c’est l’heure des bilans et d’une réflexion particulièrement vive sur les causes militaires ; l’accent est mis en priorité sur l’incompétence du haut-commandement et des états-majors. Rejeter toute la responsabilité de la défaite sur le corps d’état-major était peut-être excessif, mais il était sûrement responsable de la carence de la pensée militaire française.  


La volonté de réforme s’englua d’abord pendant neuf ans dans des commissions dont il n’est pas inintéressant de retenir certains points de vue :


- La commission présidée par le général Pourcet (1871-1872) : Composée de douze officiers généraux du corps d’état-major, chargée de le réorganiser, elle conclut au maintien du corps fermé, avec toutefois une passerelle pour un recrutement vers toutes les armes. Mais une minorité (dont le général Lebrun) rédige un contre-projet et obtient de remettre au ministre son « opinion dissidente » sous forme de projet de la minorité. Original, il est à la base de textes ultérieurs. Il prévoit :


- la suppression du corps d’état-major,

- la création d’un service d’état-major où pourront être admis par concours tous les officiers, de capitaine à colonel (320 officiers),

- la formation d’officiers aides d’état-major parmi les officiers de troupe, ce qui permettait de porter les effectifs du temps de paix au complet de guerre,

- la transformation de l’École d’application d’état-major en École de guerre ayant pour objectif de donner à de jeunes officiers recrutés par concours, une instruction supérieure et de faciliter leur préparation au concours d’admission dans le service d’état-major.


L’avis de la majorité, transformé en projet de décret, restera dans les limbes.  


- La commission d’organisation présidée par le général Castelnau (1874) : Les objectifs ont été cette fois nettement définis par le ministre, le général du Barail, dans un rapport au président de la République, Mac Mahon : « Donner aux officiers de toutes armes, reconnus aptes, une instruction étendue et approfondie dans les branches les plus élevées de l’art de la guerre, les initier aux connaissances étrangères à la spécialité de leur arme, préparer ainsi des éléments pour le recrutement des grades supérieurs de l’armée, tel doit être, un peu de mots, le but d’une semblable institution qui devait en outre former des officiers pour les fonctions d’état-major »


La formation des officiers d’état-major n’est donc pas l’objectif premier. Toutefois, du Barail précise ultérieurement à Castelnau : « …bien que la création d’une École supérieure de guerre puisse être regardée comme indépendante de la réorganisation du corps d’état-major et recevoir ainsi la solution qui lui est propre, il n’en existe pas moins entre ces deux ordres d’idées une relation intime… ».


La commission Castelnau aboutit à conserver un corps d’état-major fermé, à transformer son école d’application en école d’application de l’infanterie et de la cavalerie où les lieutenants, sortis de Saint-Cyr dans ces armes, pourraient se préparer à l’École supérieure de guerre, à la sortie de laquelle, en fonction du classement, les stagiaires seraient admis à choisir soit le corps permanent d’état-major soit le retour dans leur arme. Plusieurs projets de loi successifs modifiant ces propositions restèrent mort- nés.


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Devant ces tergiversations, le nouveau ministre de la Guerre, le général de Cissey, décide, par décret du 18 février 1875, la création de Cours spéciaux d’enseignement supérieur, d’une durée de 2 ans, destinés à préparer les officiers de toutes armes au service d’état-major, après concours d’admission. Ces cours ouvrent le 15 mai pour les 72 officiers admis (c’est la première promotion de ce qui deviendra l’École supérieure de guerre). Le général Lewal en prend la direction en septembre 1877.


L’École d’application d’état-major, abandonnant son appellation devient le 15 juin 1878 l’École militaire supérieure.


La loi sur le service d’état-major, enfin votée le 20 mars 1880, supprime le corps d’état-major et crée un service d’état-major.


Ses principales autres dispositions sont les suivantes : 


- le service d’état-major est assuré par un personnel de toutes armes, titulaire du brevet d’état-major, employé temporairement à ce service, et placé hors cadres mais continuant à appartenir à son arme et y concourant pour l’avancement ;

- le personnel du service d’état-major doit comprendre 300 officiers (dont 140 capitaines).

- l’École militaire supérieure devient l’École supérieure de guerre où peuvent être admis par concours les capitaines, lieutenants et sous-lieutenants de toutes armes ayant accompli cinq années de service comme officier, dont trois dans la troupe. Après avoir satisfait aux épreuves de sortie, ils reçoivent le brevet d’état-major. Peuvent y prétendre aussi les capitaines et officiers supérieurs de toutes armes après examen spécial ; ce seront les brevets directs.



Le général Courtot de Cissey, ministre de la Guerre.