LE CENTRE DES HAUTES ÉTUDES MILITAIRES
LES ORIGINES : LA TROISIÈME ANNÉE DE L’ÉCOLE SUPÉRIEURE DE GUERRE 1909-1910
Le 5 août 1909, le général Brun autorise le général Foch qui commande l’École supérieure de guerre à entreprendre « à titre d’essai » le complément d‘information que celui-ci juge indispensable.
Élaboré rapidement, le programme est approuvé le 27 septembre 1909. Il vise essentiellement à former des officiers aptes à servir dans les états-majors d’armées. Trois parties principales constituent ce programme :
- Les bases de la conduite de la guerre, le bilan des forces et des intérêts au point de vue politique, géographique, financier et militaire.
- La théorie de la stratégie moderne et de la guerre d’armées.
- La technique de la guerre d’armées.
Cette troisième année d’école, qui se déroule du 15 novembre 1909 au 12 octobre 1910, intéresse les quinze premiers du classement de sortie soit DE GALBERT, THOMAS, KOECHLIN, FOURNIER, FAURE, BILLOTTE, SOURDOIS, DEROUGEMONT, LAGRUE, MARTIN, TANANT, BONNET, DOUMENC, DUCASSE et BOUCHERIE.
L'application du programme sur le terrain comporte un voyage d’état-major dirigé personnellement par le général Foch, un exercice d’ensemble du service des arrières, des visites du camp retranché de Verdun, d’installations ferroviaires, d’établissements de l’artillerie et de l’aérostation. Enfin les stagiaires prennent part aux grandes manœuvres d’automne de 1910. En outre, ils ont à présenter un mémoire personnel devant une commission présidée par le chef d’état-major de l’armée.
Cette création fait l’objet de vives critiques, non pas tant pour l’enseignement dispensé qu’en ce qui concerne son principe même et la qualité des stagiaires. En effet, les lois et règlements ne prévoient que deux années d’études à l’École supérieure de guerre et on reproche aux stagiaires d’être trop jeunes et de trop peu d’expérience. D’autre part, le stage d’état-major de deux ans consécutif aux cours de l’École supérieure de guerre est pour eux réduit à un an.
Une nouvelle formule est donc envisagée qui aboutit, par une instruction ministérielle du 21 octobre 1910, à la création du Centre des hautes études militaires.
Sur la troisième année de l'Ecole supérieure de guerre, le lecteur pourra également consulter le texte de l'intervention du colonel Jean DEFRASNE, de la 54e promotion, membre de la commission française d'histoire militaire, au colloque du Centenaire de l'Ecole supérieure de guerre, les 13 et 14 mai 1976.
LE CENTRE DES HAUTES ÉTUDES MILITAIRES DE 1911 À 1914
En janvier 1911, débute à Paris, dans les locaux de l'Ecole supérieure de guerre, la première session du Centre des hautes études militaires. Le centre est placé sous la direction du chef d'état-major général de l'armée avec comme adjoint le commandant de l'Ecole supérieure de guerre.
La session 1911 accueille environ 25 officiers supérieurs, détachés de leurs corps ou services.
Il s’agit désormais d’une formation indépendante de six mois, distincte de celle donnée par l’ESG. La formule finalement retenue vise, selon les termes de Foch, à « éprouver un certain nombre d’officiers supérieurs (lieutenants-colonels), désignés par leur passé et leur âge pour arriver aux grades les plus élevés de l’armée, et [à] leur donner les connaissances, leur faire connaître la nature des travaux à envisager dans le haut commandement. Par là, préparer le recrutement de ce haut commandement ».
Essentiellement pratiques, les travaux sur carte, mais aussi sur le terrain, visent à initier les auditeurs au fonctionnement de l’armée et du groupe d’armées. Des conférences d’intérêt général portant sur la doctrine, l’organisation, les transports, mais aussi sur les armées étrangères, viennent enrichir l’ensemble.
La circulaire d'octobre 1910 est complétée par celle du 27 août 1912 : dorénavant, les stagiaires sont convoqués à Paris du 10 janvier au 8 juillet de chaque année ; ils participent dans la deuxième quinzaine de juillet ou la première d'août à un voyage d'état-major, et prennent part aux manœuvres d'automne.
Parmi les « chemistes » d'avant 1914, on relève la présence du colonel Henri Gouraud (session 1911) ou du lieutenant-colonel Maxime Weygand (session 1913), futures figures de l’armée française. Leur recrutement illustre le fait que tous les auditeurs ne sont pas tous déjà brevetés : les textes l’interdisent d’ailleurs expressément. Le CHEM est ainsi, pour certains officiers, l’occasion de décrocher une qualification académique supérieure, à une époque où les diplômes prennent une place croissante dans le processus de formation et de sélection des chefs militaires.
Le centre y gagne rapidement son surnom : « École des maréchaux ».
Les stagiaires du Centre des hautes études militaires entre 1911 et 1914
- Les stagiaires du Centre des hautes études militaires en 1911
- Les stagiaires du Centre des hautes études militaires en 1912
- Les stagiaires du Centre des hautes études militaires en 1913
- Les stagiaires du Centre des hautes études militaires en 1914
LE CENTRE DES HAUTES ÉTUDES MILITAIRES (1919-1939) ET LA GÉNÉRALISATION DU SYSTÈME AUX AUTRES ARMÉES
La guerre a entraîné la fermeture de l’École supérieure de guerre et du Centre des hautes études militaires.
Par circulaire du 10 décembre 1919, Georges Clémenceau, président du Conseil, ministre de la Guerre, décide de réorganiser le Centre des hautes études militaires. Le centre sera installé dans des locaux à l'Ecole militaire ; il fonctionnera du 1er février au 31 juillet et aura essentiellement pour objet, non pas de former des officiers d'état-major, mais de doter les officiers supérieurs qui y seront appelés des connaissances générales indispensables à la conduite de la guerre moderne.
Georges Clémenceau insiste sur l’importance nouvelle qui doit être accordée à la stratégie. De même, l’enseignement de la « science militaire » doit être complété par « des conférences portant sur les grandes questions politiques, économiques et sociales qui exercent leur influence sur la conduite de la guerre ».
Une trentaine d’officiers supérieurs sont désormais accueillis au CHEM, dans des conditions de recrutement et d’emploi identiques à celles de l’avant-guerre.
Le Centre des hautes études militaires redevient une voie privilégiée pour accéder aux étoiles.
Les stagiaires du Centre des hautes études militaires entre 1920 et 1939
- Les stagiaires du Centre des hautes études militaires en 1920
- Les stagiaires du Centre des hautes études militaires en 1921
- Les stagiaires du Centre des hautes études militaires en 1922
- Les stagiaires du Centre des hautes études militaires en 1923
- Les stagiaires du Centre des hautes études militaires en 1924
- Les stagiaires du Centre des hautes études militaires en 1925
- Les stagiaires du Centre des hautes études militaires en 1926
- Les stagiaires du Centre des hautes études militaires en 1927
- Les stagiaires du Centre des hautes études militaires en 1928
- Les stagiaires du Centre des hautes études militaires en 1929
- Les stagiaires du Centre des hautes études militaires en 1930
- Les stagiaires du Centre des hautes études militaires en 1931
- Les stagiaires du Centre des hautes études militaires en 1932
- Les stagiaires du Centre des hautes études militaires en 1933
- Les stagiaires du Centre des hautes études militaires en 1934
- Les stagiaires du Centre des hautes études militaires en 1935
- Les stagiaires du Centre des hautes études militaires en 1936
- Les stagiaires du Centre des hautes études militaires en 1937
- Les stagiaires du Centre des hautes études militaires en 1938
- Les stagiaires du Centre des hautes études militaires en 1939
- Les stagiaires du Centre des hautes études militaires en 1940
Le stage technique d’armée
A la fin des années 20, les officiers brevetés dans l'immédiat après-guerre accèdent aux postes qui leur sont destinés dans les états-majors des membres du Conseil supérieur de la guerre – chargés de mettre sur pied les états-majors d’armées en cas de mobilisation ; ils n’ont pourtant bénéficié ni d’une instruction, hors celle acquise sur le tas, ni d'un recyclage les préparant directement à leurs fonctions.
Ceci est ressenti en haut lieu, car une génération plus jeune peut bénéficier, à partir de 1934, des études du stage technique d'armée.
Placé sous la responsabilité du directeur du Centre des hautes études militaires, ce cours - vite baptisé « Petit CHEM », fonctionne jusqu’en 1938, pour des promotions de vingt-cinq officiers environ (le stage prévu en 1939 n’a pas lieu en raison de la guerre).
Le programme comporte surtout des études à l'échelon armée, sous forme de courts travaux de 3e et 4e bureaux.
- Les stagiaires du stage technique d’armée en 1934
- Les stagiaires du stage technique d’armée en 1935
- Les stagiaires du stage technique d’armée en 1936
- Les stagiaires du stage technique d’armée en 1937
- Les stagiaires du stage technique d’armée en 1938
Un cours de technique d'armée dirigé par le général Baurès est ouvert à Lyon à la fin d'octobre 1942, dans une villa du boulevard des Belges. Il rassemble une dizaine d'officiers supérieurs. Le cours est interrompu par l'entrée des Allemands en zone libre.
Le Centre des hautes études navales
La continuité l’emporte, preuve du succès de la formule initiée avant guerre, que la Marine adopte rapidement. Le décret du 2 mai 1921 remplace l’École supérieure de marine par une École de guerre navale et lui adjoint un Centre des hautes études navales. L’École de guerre navale a pour but « la formation d’officiers d’état-major », tandis que le Centre des hautes études navales prend en charge « la préparation aux hauts commandements ».
À l’image de ce qui prévaut dans l’armée de Terre, les deux établissements sont placés sous la responsabilité du même officier général et regroupés dans un même immeuble à proximité de l’École militaire ; les moyens humains et matériels peuvent ainsi être mis en commun. De même, conférences, mais aussi voyages d’études et exercices sont en partie partagés. Par contre, en dépit de débuts prometteurs, la coopération avec le Centre des hautes études militaires reste modeste.
Choisis parmi les capitaines de vaisseau et les capitaines de frégate, les auditeurs du Centre des hautes études navales suivent une formation de sept mois à partir du début de chaque année civile. Elle devient rapidement une voie privilégiée pour accéder aux étoiles. À la veille de la guerre, la moitié des amiraux en activité est passée par le Centre.
En 1931, le vice-amiral Georges Durand-Viel devient chef d’état-major général de la Marine, après avoir dirigé l’ École de guerre navale et le Centre des hautes études navales en 1927-1929 et avoir été l’un des premiers auditeurs du Centre (session 1923).
Le Centre des hautes études aériennes
Quinze ans après la Marine, la nouvelle armée de l’Air adopte à son tour le système développé par l’armée de Terre.
Le décret du 26 juillet 1936 institue une École supérieure de guerre aérienne et un Centre des hautes études aériennes, tous deux installés à l’École militaire. La mise en place se fait en étroite collaboration avec le Centre des hautes études militaires, tant sur le plan de l’enseignement – dont les principes sont repris – que du soutien administratif et matériel.
Nettement moins développée, la coopération avec le Centre des hautes études navales est cependant réelle.
À la fin des années trente, les effectifs annuels des trois centres approchent la cinquantaine (une trentaine pour le Centre des hautes études militaires, 7 ou 8 pour le Centre des hautes études navales, une dizaine pour le Centre des hautes études aériennes. Les profils varient considérablement d’une armée à l’autre. Quand les brevetés forment au moins la moitié des effectifs du CHEM et du CHEN, ils sont plus rares au CHEA. Celui-ci sert essentiellement à donner une qualification académique supérieure à des officiers qui n’en possèdent pas encore, à l’instar de ce qui prévalait dans les autres centres à leurs débuts.
UNE RÉOUVERTURE TARDIVE MAIS DANS UN CADRE UNIFIÉ ET INTERARMÉES (1951)
Alors que le CHEM avait rouvert moins d’un an après la fin du premier conflit mondial, il s’écoule six ans et demi avant qu’il en soit de même après 1945.
Le nouveau CHEM accueille désormais des auditeurs des trois armées. Il constitue même, et pour longtemps, le seul niveau de l’enseignement militaire supérieur à s’inscrire totalement dans un cadre interarmées.
A la Libération, une réflexion globale sur l’organisation de l’enseignement militaire supérieur a été pour la première fois engagée. Cette nouvelle approche est permise par un début d’unification des structures politico-militaires, symbolisé en particulier par la nomination d’un chef d’état-major général de la Défense nationale, le général d’armée Juin, en charge de la dimension interarmées de l’enseignement militaire supérieur. Décidée en octobre 1946, l’unification des écoles de guerre doit donner naissance à une École supérieure des forces armées. La formation postérieure sera assurée par un Centre des hautes études de défense nationale et d’économie de guerre, qui prendra finalement le nom d’Institut des hautes études de la défense nationale. Sa première session débutera dès la fin octobre 1948. A l’inverse, l’affaiblissement de la fonction de chef d’état-major général de la Défense nationale, combinée aux dissensions interarmées, entraîne l’ajournement du projet d’École supérieure des forces armées.
Au début des années cinquante, celui-ci est définitivement enterré. Seul subsiste un cycle d’enseignement commun, le Cours supérieur interarmées (CSI), d’une durée de six mois, qui complète la formation donnée dans les écoles de guerre.
En complément est alors décidée la résurrection des centres des hautes études dans un cadre unifié, reprenant le nom du plus ancien des trois établissements, également le seul polyvalent. Tardive, cette réouverture est ainsi pionnière. Elle l’est également sur d’autres plans. Désormais, les auditeurs du CHEM sont invités à suivre en parallèle les activités de l’IHEDN. Autre rupture, et de taille, le nouveau centre ne vise plus à préparer les auditeurs à des responsabilités dans le seul cadre national. Un impératif d’autant plus fort qu’est créé, au même moment, également sur le site de l’École militaire, le Collège de défense de l’OTAN, dont la direction est confiée au vice-amiral d’escadre Lemonnier, ancien directeur de l’IHEDN (1950-1951).
Pour autant, le CHEM reste à l’usage exclusif des officiers français : il faudra attendre le siècle suivant pour y voir accueillis des auditeurs étrangers.
Le nouveau centre s’installe dans les locaux qui sont encore aujourd’hui les siens, au 21 place Joffre. Il est placé sous l’autorité directe du comité des chefs d’état-major, que préside le général Juin (maréchal en juillet 1952), inspecteur général des forces armées.
Dans les années qui suivent sa réouverture, le centre n’accueille plus que trente-six auditeurs en moyenne, soit un tiers de moins que ses prédécesseurs à la veille de la guerre. Une évolution à rapporter à la rupture qu’a constitué l’effondrement de 1940 et dont témoigne la chute du nombre d’officiers généraux des armes. Ils étaient 424 à la veille de la guerre, ils ne sont plus que 230 en 1947…